Interview (francais)

Voici une interview, par Richard -un bikepunk d'Isere- qui devrait parraitre un jour dans un split-zine franco-bulgare. En attendant, elle est la.
Note : Les reponses datent du mois d'Octobre 2008, depuis certains points de vue ont legerement change.

1- Pourrais-tu commencer par te présenter ? Lieu de vie traditionnel, passions, envies, occupations ... à part le vélo.

Je m'appelle Théophile et depuis le mois de juin, je suis enfin libéré de l'oppression scolaire. J'ai grandi dans la campagne, près de Toulouse, mais j'ai passe les deux dernières années dans les environs de Lyon. C'est la qu'a commence ma vie de squatteur. J'adore la cold wave et déteste la musique festive et joyeuse, je suis fascine par les synthétiseurs (analogiques) l'électronique et les ordinateurs. J'adore les fanzines et ouvrir des squats. J'aime la politique a la sauce punk. Je n'aime plus faire la fête et je pense que c'est lie avec le fait que j'ai arrêté de boire de l'alcool. Je considère que ma maison à Lyon, c'était Deadwood (expulsé au mois de septembre, aprés à peine trois mois d'existence), même si je n'y ai pas vraiment vécu. J'ai envie d'échapper à l'oppression et de construire des espaces d'autonomie. Le voyage que je vis en ce moment me permet de découvrir comment les espaces autonomes existent et fonctionnent en Europe, de rencontrer plein de gens qui parfois deviennent mes amis et de me construire mon propre réseau...



2- Pourquoi avoir choisi les voyages à vélo plutôt qu'à pied, en train, en stop, ... ?

Pourquoi le vélo ? Tout d'abord j'exclus tout moyen de transport payant car je refuse de travailler pour donner mon salaire aux vendeurs de pétrole (raisons idéologiques, politiques et environnementales qu'il ne me semble pas nécessaire de développer). Il ne reste que trois moyens : auto-stop, marche ou vélo. La marche ne permet pas vraiment de faire plus de 30km/jour et puis j'aime pas spécialement ça, et le stop, c'est pas vraiment un moyen de transport autonome ; tu dépends des autres et pire, des voitures et des autoroutes, qui sont deux choses que je déteste. Le vélo c'est gratuit (ou presque), ça pollue pas et ça permet d'être relativement rapide (jusqu'à 300 km/jour ou 1000 km/semaine pour moi actuellement). C'est donc pour moi le seul moyen envisageable pour voyager en étant vraiment autonome...

Le voyage en vélo, par rapports aux moyens de transports plus rapides, ça permet aussi de vraiment être confronte à la réalite locale et d'avoir le temps "d'apprécier" les contrées qu'on traverse, à un rythme qui reste humain. Rousseau a écrit que peut importe l'endroit où on va, ce qui importe c'est le voyage en lui même. Lui il voyageait à pieds et ça avait du sens, je pense qu'en vélo on retrouve cette "philosophie" du voyage.

En fait, a 16 ans, je me suis inscrit dans un club de cyclisme et je me suis entrainé pour la compétition. Même si la compétition et le fait de tourner en rond en essayant d'aller le plus vite possible (et surtout plus vite que les autres) n'a pas de sens à mes yeux, j'ai appris à ce moment-là qu'on pouvait faire de grandes distances en vélo sans trop de problème.

3- Tu expliques que l'envie de partir à vélo sans revenir t'est venue dès ton enfance. Peux-tu nous en dire plus ?

J'ai grandi a la campagne, dans un village de 200 âmes. Mon premier voisin habitait à 300m et le premier magasin/boulangerie/bureau de poste était à presque 10km. Il n'était pas rare que mes potes habitent à plus de 20 km. Pas moyen d'avoir une mobylette. Du coup, très tôt, le vélo est devenu synonyme d'autonomie pour moi. Et puis j'aimais aussi aller me perdre dans sur les chemins et dans les bois. J'étais très jeune quand pédaler est devenu une nécessité.

Parfois, lors de mes balades solitaires dans la nature, je me retournais et ne voyant plus ma maison, j'en concluais que j'avais passé l'horizon. J'avais, par moi-même, été m'approprier l'inconnu. Quelle sensation agréable...

Et alors je regardais devant moi, et je pensais : "si au lieu de faire demi-tour et de rentrer, je continuais plus loin, tout droit, et que je faisais la même chose demain et le jour suivant... jusqu'où pourrais-je aller ? Il n'y a pas de limites... Un jour peut-être..." Je rêvais. Doux rêves de libertés d'un gamin qui s'ennuie...

4- Peux-tu parler de ton voyage actuel ?

Pas évident de répondre ; j'en suis au deuxième cahier, qui se remplit tous les jours d'expériences et d'impressions, plus d'une centaine de pages, c'est pas vraiment résumable et pour ça, le mieux c'est d'aller voir mon blog. Je vais quand même parler des grandes lignes. Après deux voyages en vélo, en France et environs, durant les étés 2006 et 2007, j'avais envie de partir plus loin. Quand on a gouté au voyage en vélo, c'est un peu comme une drogue ; quand on s'arrête on ne pense qu'à une chose : repartir. Parce que (pour moi) c'est simplement à chaque fois les meilleures expériences de ma vie. Du coup, sachant que je finissais mes études (de technicien du son) au mois de juin, j'ai commence à penser à un voyage en Europe au début de l'année 2008. Apres avoir modifié mes plans plusieurs fois, je suis parti finalement un peu à l'arrache, comme d'habitude, avec quelques contacts et deux objectifs : être au Shit Town à Copenhague et voir Pizza OD sur leur tournée européenne. C'était il y a trois mois, au début juillet. En guise d'objectif global, faire le tour des espaces autonomes ( bien sûr non exhaustif parce que c'est pas vraiment possible). Comme je l'écrivais plus haut, c'est un des trucs qui m'intéresse le plus dans ce monde abject qui est le nôtre. Depuis trois mois donc, je fais plus ou moins ce que j'avais prévu. Il y a eu la première "crise" a Berlin, après avoir vu Pizza OD, j'avais rempli mes deux objectifs spatio-temporellement précis, et je me suis retrouvé dans la situation où tout est possible et il faut choisir. Je ne savais pas tellement dans quelle direction aller (j'avais même en tête l'idée farfelue d'aller passer l'hiver à Oslo...). Et puis je suis allé en Pologne. J'y suis toujours et je pense y passer l'hiver, parce que je me suis surpris à aimer ce coin du monde. Voila à peu près la situation après pas loin de 4000km pédalés dans 6 pays. Je pense arriver à la première grande "phase" de mon voyage. En effet, je pense de plus en plus à trouver un endroit où passer l'hiver à l'abri du froid, pour me poser et essayer de construire des trucs aussi (comme participer à la vie d'un "centre social" et faire un fanzine par exemple).

5- Toujours pour ce voyage, t'es-tu donné une date de retour ? Quand jugeras-tu que tu as trouvé ce que tu recherches ? Mais, cherches-tu quelque chose ?

Pas de date de retour. Parce que je suis parti sans penser à revenir. J'ai fait mes adieux avec l'idée d'un voyage à durée indéterminée (j'aime cette expression). Quand les gens que je rencontre me demandent si je suis en vacances, je réponds que le voyage est devenu ma façon de vivre. Ma maison, c'est mon vélo.

Pour revenir à la notion de retour, pour moi, c'est pas vraiment évident. Pour un retour, il faut un endroit où revenir, le seul endroit que je considérais comme ma maison a été expulsé il y a quelques semaines (sans surprise, je le savais en partant).

Je ne sais pas si je cherche quelque chose en particulier. Je cherche la vérité, la vérité vraie, pas celle qu'on voit à la télé, qu'on lit dans les livres ou qu'on apprends à l'école. Pour moi la vérité se base sur du vécu. Je suis en train de construire ce vécu. Par exemple en ce moment je suis en train de découvrir l'Europe de l'Est, qui est vraiment différente des idées que je m'en faisais. Poser des questions aux gens sur leur vécu vaut mieux que tous les livres d'histoire.

Je ne pense pas qu'il soit possible d'accéder à la vérité absolue, l'absolu n'est pas humain, c'est de l'ordre du divin. Par conséquent, je pense être à la recherche de quelque chose toute ma vie...

6- Dernièrement, j'ai parcouru les routes de mon adolescence à vélo et ce, beaucoup plus lentement qu'à l'époque. Et pourtant, les distances m'ont paru plus courtes. Preuve que mon rapport au temps avait changé. Comment pourrais-tu expliquer ton rapport au temps alors que tu es amené à passer des journées entières sur le vélo ?

Le temps est, comme tu le soulignes, quelque chose de très relatif. Je pense que c'est entre autre le vélo qui me l'a appris (mais pas uniquement). Pour faire de longues distances, il m'arrive de passer des journées entiéres à pédaler (avec comme record une étape en presque 17h dont 15 pédalées, pour faire 300km...). Quand tu te réveilles le matin a 6h et que tu penses que tu vas pédaler toute la journée, rien faire d'autre a part manger et pisser, ça fait parfois bizarre, surtout quand c'est le même programme pour le lendemain et le jour d'après...

Ca peut paraître hyper long ; ça l'est. Mais comme je le disais, le temps, c'est relatif, si les conditions sont bonnes et qu'il y a le moral, tout passe vite et j'apprécie chaque instant. Par contre, sous la pluie, perdu ou longeant une autoroute, ça peut devenir vraiment long et chiant. Le pire c'est quand je suis perdu au milieu de nulle part, que je suis épuisé et qu'il ne me tarde que d'arriver. Là, les minutes me paraissent vraiment des heures...

7- Quel est ton rapport au temps qu'il fait, à la météo ? Comment gères-tu, acceptes-tu la pluie, le froid, le vent contraire, ... ?

La météo pour un cycliste, peut être soit la meilleure alliée, soit la pire ennemie. Je n'ai pas pour l'instant été trop confronté au froid en voyage (mais tout arrive, surtout le froid en Pologne à cette période de l'année) mais par expérience, je sais que c'est moins dur que le vent défavorable ou la pluie. Tu dois savoir que pour faire avancer un vélo, 80% de l'énergie est dépensée pour déplacer de l'air, alors quand le vent te pousse dans le sens contraire, tout deviens trés dur, surtout quand ça dure des heures voire une journée. Il m'est arrive parfois, d'avoir l'impression de grimper des cols alors que la route était parfaitement de niveau. La différence, c'est que quand ça monte vraiment, ça redescends tôt ou tard, le vent lui te pousse toujours dans le même sens.

Mais pour moi le plus dur, c'est la pluie. Comme je dis souvent, le vélo, c'est plus dans la tête que dans les jambes que ça travaille et que ça a besoin d'énergie. Quand il pleut, malgré l'équipement, tu finis toujours par être humide, puis trempé. Mes rangers se remplissent de flotte. Quand il pleut, tu es froid et humide, il n'y a plus de lumière. Je déteste la pluie, elle me brise le moral. Sans le moral, je perds mon énergie, c'est un cercle vicieux et tout devient très dur et je n'ai personne sur qui compter pour me remonter le moral.

Voyager en vélo c'est se mettre dans des situations qui parfois peuvent être difficiles et dans lesquelles on n'a pas toujours le choix. Il m'est arrivé de me perdre au milieu de nulle part (ou entre autre les gens ne parlent ni français ni anglais, ce qui signifie pour moi un problème de communication) après des heures à pédaler sous la flotte, à affronter les éléments seul, ne pouvant compter que sur moi-même pour arriver à destination. Là c'est dur, les premières fois (durant mes premiers voyages) il m'est arrivé de penser à abandonner, ne pouvant plus affronter des forces qui nous dépassent. Et puis en fait dans ces situations, tu n'as pas le choix, tu ne peux pas t'arrêter, le seul moyen que sa s'arrête, c'est d'arriver, et pour ça, il faut continuer, même si on est au bord de la crise de nerfs, qu'on en peut plus et qu'on a l'impression qu'on ne va jamais y arriver. Pas le choix, pas d'alternatives, il faut continuer (à chaque fois que ça arrive, je pense à Henri Guillaumet (cf. "les ailes du courage" de Jean Jacques Annaud) et je me dis que d'autres ont affronté plus dur, alors je devrais y arriver).

L'année derniére, j'ai fait une crise de nerfs après 100 km sous la flotte, m'être perdu à maintes reprises et arrivé à la nuit noire, 22h passées. Pendant ce voyage l'an dernier, j'ai fait 400bornes sous la flotte et je m'étais promis en partant cette année, d'attendre ou de prendre le train en cas de pluie. Finalement, je me rends compte que c'est pas possible, ni d'attendre, ni de prendre le train, alors j'ai fait encore bien plus de 500 km sous la pluie ces trois derniers mois... Mais avec l'expérience, je crois que je l'accepte mieux. Maintenant, quand il se met à pleuvoir, je me dis que de toute façon, je n'ai pas le choix et que ce n'est qu'un (très) mauvais moment à passer. Je me surprends souvent à penser : "Mais bordel, qu'est-ce que je fous là à pédaler sous la flotte au milieu de nulle part ?!!!"

Le plus dur pour moi, c'est qu'on ne peut rien faire contre la pluie, on peut se battre contre les fachos, les flics ou même des trucs qui nous dépassent comme l'oppression ou le capitalisme, mais pas contre la pluie. Je n'arrive pas à me résigner. Je le refuse... Et pourtant... Il faut vraiment que j'écrive une chanson de punk pour extérioriser ma rage et mon désespoir contre la pluie.

(désolé pour la longueur de la réponse)

8- J'ai lu, il me semble, que tu voyageais avec un walkman sur les oreilles. Pourquoi ne pas plutôt être à l'écoute de la nature, des animaux, du vent qui souffle, ... ?

La plupart du temps, je n'utilise pas mon walkman, car comme tu le suggère, je préfère globalement entendre ce qui se passe autour de moi. Mais parfois, quand je longe une nationale ou une autoroute toute droite et bruyante pendant 80 bornes, je préfère entendre la musique que j'aime aux bruits de moteurs que je déteste. Je me sers aussi de la musique pour m'occuper l'esprit (le temps passe plus vite), pour me donner un rythme (ça va plus vite quand on pédale au rythme du d-beat (même si j'en écoute pas beaucoup, du d-beat)). C'est la premier fois (ce voyage) que j'emporte de la musique avec moi. Et honnêtement, j'apprécie. Si seulement mon lecteur MP3 était étanche, je pour m'en servir pour oublier la pluie...

9- Est-ce un choix de voyager seul ?

Oui et non. J'ai toujours dis au gens autour de moi (surtout ceux qui me disent : "C'est génial ce que tu fais, j'aimerais tellement faire la même chose"). Prends ton vélo et viens avec moi. Personne n'est assez fou pour le faire. Je n'ai pas décidé d'attendre quoi/qui que ce soit pour faire ce que j'ai envie, alors seul ou accompagne, je pars. Il s'avère que jusqu'à maintenant, c'est seul. Après, il faut savoir que voyager à deux (ou plus) c'est loin d'être évident, faut vraiment bien se connaître et s'apprécier, et le gros risque, c'est de ne plus se supporter après quelques jours/semaines/mois...

Et puis on ne peut pas être plus libre et autonome que seul. Je n'ai d'avis à demander à personne, je ne dépends que de moi-même. Je crois sincèrement qu'il est difficile d'être plus libre qu'un voyageur solitaire en vélo. Et j'aime la liberté ; c'est, je crois, l'essence de ma survie dans ce monde. J'aimerais essayer de pédaler accompagné cependant. Lecteurs, je suis ouvert à toute proposition...

10- A la fin du film "Into the wild", le héros, juste avant de mourir, écrit que "le bonheur n'est vrai que s'il est partagé". Qu'en penses-tu ?

C'est marrant que tu me poses cette question, je suis terriblement fan de cette histoire, j'ai vu le film deux fois au cinema. Je m'identifie beaucoup à ce "hero" qui n'en est pas un. A propos de cette phrase, ça a été plusieurs fois le sujet de mes conversations. Je suis complètement d'accord avec le fait que "le bonheur n'est vrai que partagé" et au risque de paraître arrogant, je l'ai compris il y a un moment déjà. Si j'aime voyager seul, je ne peux pas vivre seul, je suis passé d'internat en colloc en squat. Je ne conçois pas de vivre seul, ça n'a pas de sens à mes yeux. J'ai besoin de vivre du commun, de partager, tout le temps. On peut appeler ça du communisme (je ne parle pas bien sur de l'idéologie liberticide). Alors oui, selon moi, le communisme est une condition aux "bonheurs"...

11- Ta forme physique doit être un facteur important du plaisir vécu à vélo. Aussi, que t'inspire le fait de côtoyer quelquefois des personnes abusant de substances plus ou moins prohibées et néfastes pour la santé ?

Quelle étrange façon de me demander ce que je pense de la drogue et des alcoholic/junk punks...

Je n'ai jamais vraiment fait attention plus que ça à ma santé, même si je pense avoir pris de bonnes habitudes alimentaires. Mes choix ne sont pas en lien direct avec le fait que je pédale beaucoup, c'est plus politique ou personnel. Je n'ai jamais fumé et je n'ai pas prévu de m'y mettre, j'ai arrêté de boire il y a presque un an et dans la vie de tous les jours, je ne consomme pas de drogues. En fait, je n'aime plus vraiment perdre le contrôle de moi-même ; j'aime pas/plus être défoncé. Si j'aimais, je crois que boirais/prendrais de la drogue, vélo ou pas. Du coup, depuis un moment, je ne suis plus du tout excité à l'idée de faire la "fête". Je me sens vraiment très mal à l'aise quand dans un concert, tout le monde est saoul et qu'il n'est plus possible d'avoir un conversation avec quelqu'un (et c'est encore pire pour un anniversaire ou une autre fête où les gens n'ont alors qu'une seule chose à faire, c'est à dire boire et se défoncer). Etre sobre et entouré uniquement de gens bourrés, c'est vraiment oppressant...

Je déteste ces gens (souvent complètement ivres) que tentent de m'expliquer que c'est hyper cool de boire et de faire la fête, que c'est indispensable pour s'amuser. Je déteste ces gens qui ne demandent que ça. Je pense que les drogues (alcool et tabac compris) sont un problème social plus qu'individuel. En effet, si on bosse 35h/semaine (ou plus) à faire un truc qu'on n'aime pas, je comprends très bien que le week-end on ait envie de se lâcher et de faire la fête. En fait, je crois même que c'est un besoin pour trouver une certaine forme d'équilibre. En simplifiant beaucoup, on pourrait dire que faire la fête le week-end permet d'accepter de retourner bosser le lundi.

Je comprends très bien l'usage de drogues quand on ne vit pas ce qu'on voudrait. D'une certaine façon, ça permet d'accepter l'inacceptable.

Tout ça pour dire que je ne suis pas un joyeux fêtard parce que ça n'a plus de sens pour moi et que j'apprécie les endroits où les gens n'ont pas besoin de drogues pour exister (je ne rêve pas d'un monde de straight edges, loin de là). Etre confronté à l'alcoolisme et aux autres formes d'addictions, ça me rend triste plus qu'autre chose...

12- Peux-tu nous raconter quelques rencontres qui t'ont marqué ?

Des rencontres... Ouh là, tu me demandes un roman. Je ne sais pas combien de centaines de personnes j'ai rencontrées depuis le début de ce voyage. Ça me donne le vertige quand j'y pense...

J'ai rencontré beaucoup de gens formidables et certains sont devenus mes amis. Allez, j'en cite un paire qui m'ont marqué : Gélise et Nic qui ont réalisé Gerda 85 et qui sont des personnes adorables et passionnantes, les potes queers de Bruxelles sans qui je ne serais pas qui je suis (mais ça remonte à mon biketour 2006), Erwin qui m'a accueilli dans son bateau squatté à Amsterdam, Bene qui m'a ouvert sa porte à Hambourg et qui est d'une gentillesse exceptionnelle, Jakob de Svendborg, qui a eu une vie d'anarchiste trépidante a travers le monde, les punks d'Hafermarkt à Flensburg, Frank de TS qui est un vrai personnage de roman, Daniel avec qui j'ai pédalé de Riebau à Postdam et qui a donc été mon premier compagnon longue distance (180km), Mano de Budapest que j'ai rencontrée par hasard à Berlin la veille de mon départ, Krzysztof de Rozbrat qui est punk depuis 30 ans et qui m'a appris tellement de choses, Pawel qui s'était enfui de l'hôpital psychiatrique, Leszek du squat Elba à Varsovie... C'est loin d'être exhaustif, mais ça donne une idée...

13- Quel est ton plus mauvais souvenir ?

J'hésite entre la nuit passée dans un concert de breakcore à Gamp, la pluie du Danemark et me faire foutre dehors par un vegan parce que j'aime pas les chiens qui aboient...

14- Que dirais-tu à quelqu'un qui hésite à se lancer sur les routes à vélo ?

C'est maintenant ou jamais. Personnellement, c'est la meilleure chose que j'ai faite de ma vie.

15- "La révolution ne sera pas motorisée". Que t'inspire cette phrase ?

Je déteste les moteurs. Je ne sais plus qui a dit : "l'automobile c'est la guerre"... c'est tellement vrai, aussi bien au propre qu'au figuré.

16- En quoi est-ce naturel ou logique pour toi d'associer punk et vélo ?

Cela n'a rien de naturel ni de logique en soit, ce sont à priori deux choses complètement différentes. Ce sont juste mes deux choix de vie les plus importants d'une certaine manière. Des choix à la fois personnels et politiques qui font partie intégrante de l'individu que je suis. "Bikepunk" ça me définit d'une certaine manière. Je suis bikepunk comme d'autres sont vegan straight edge...

17- Un dernier mot ? Je t'ai posé pas mal de questions aussi, tu as le droit de m'en poser une !

Une question : pour toi, le vélo, c'est quoi ?

Mes derniers mots : La liberté, c'est n'avoir plus peur / Nothing's true, everything's possible...

Richard :

Me voici donc dans la peau de l'interviewer interviewé !!!!

Merci tout d'abord pour tes réponses !

Pour moi, qu'est-ce que le vélo ? Même si ces deux utilisations sont particulièrement liées, je dissocierais aisément l'utilisation urbaine et quotidienne et celle qui consiste à partir en voyage.

Pour la première, le vélo me permet d'aller plus vite, plus librement d'un point à un autre. De plus, je ne suis pas enfermé dans un cube de tôle qui me renvoie une fausse impression de sécurité ; je fais partie du monde qui m'entoure en en étant acteur.

A ce titre, je trouve la notion de piste cyclable ambigüe : en effet, elle procure une sécurité bien appréciable mais elle isole le cycliste du reste de la société. Je considère que l'on doit être visible et pris en compte par les autres usagers de la route. Ne serait-ce que pour que les autres se disent : « Ah ! Tiens ! C'est possible de se déplacer en vélo ! »

Faisons en sorte que la ville soit aussi (ou redevienne) un espace pour les deux-roues non motorisés.

Pour ce qui est des déplacements plus lointains, des voyages, le vélo permet de mieux appréhender et même de réécrire la géographie des lieux traversés : en voiture, tout va beaucoup trop vite et, à pied, dans beaucoup de lieux, tu as l'impression de ne pas avancer.

Il me semble que le vélo correspond à la vitesse idéale pour connaître des lieux et les personnes qui y habitent : ni trop lent, ni trop rapide.

Le vélo a aussi une place particulière dans l'inconscient collectif (ce n'est peut-être pas si vrai dans tous les pays du monde) et il n'est pas rare de rencontrer des personnes qui vont venir discuter spontanément avec toi. Les souvenirs de vélo souvent liés à la jeunesse ou même à l'enfance remontent à la surface et incitent les personnes à s'enquérir du matériel, du parcours, des sensations vécues.

En plus, tu peux transporter beaucoup plus de choses qu'à pied, tout en étant assis ! Se déplacer à vélo est reposant !!! Bon, j'exagère un petit peu mais quand même !

L'idée de douceur est également importante : on glisse sans bruit, sans heurts, on se fond dans les paysages, on fend l'air (qui se referme derrière nous), …

Tout cela pour dire que c'est toujours avec une grande joie mêlée d'excitation que je prépare mes sacoches pour quelque voyage qui me fait toujours vivre à un autre rythme.

2 comments:

Anonymous said...

Ah ah, j'ai tout lu en anglais, et tout compris, et une fois fait je me rend compte que y'a la traduc en français.

Je viens aussi d'un village à une centaine de bornes de toulouse, du coté de st gaudens. Tu viens de quel village toi ?

Marie

bikepunk said...

le mieux c'est de m'envoyer un email pour me poser des questions

sinon, j'ai grandi dans le lauragais